vendredi 16 avril 2010

Publication sur l'évaluation du potentiel antioxydant sur cellules

Food Chemistry, volume 115, numéro 2, pages 720-726, 15 Juillet 2009
Test cellulaire basé sur l'oxydation de la DCFH-DA pour évaluer le potentiel pro- et antioxydant de produits et mélanges complexes: Analyse des jus de fruits et légumes
Karl Girard-Lalancette, André Pichette et Jean Legault

Traduction du résumé de cet article disponible en anglais sur ScienceDirect

Potentiel antioxydant du Trolox testé par ORAC et par notre test cellulaire.

Les dérivés réactifs de l'oxygène (ROS ou "Reactive Oxygen Species") jouent un rôle crucial dans les maladies cardiovasculaires, les maladies inflammatoires, les maladies neurodégénératives, les cancers et le vieillissement. Une alimentation riche en aliments contenant des antioxydants, tels que les fruits et légumes, peuvent aider à prévenir ces pathologies. Il est donc important de bien doser le potentiel antioxydant de ces aliments afin d'avoir une ligne directrice pour leur utilisation correcte. Les méthodes in vitro actuelles sont souvent très spécifiques à un mode d'action et ne reflètent pas nécessairement le contexte biologique normal dans lequel les antioxydants sont utilisés. Dans ce travail, nous avons développé une méthode de criblage cellulaire à l'aide de la 2',7'-dichlorofluorescin-diacétate (DCFH-DA), un indicateur sensible aux espèces réactives de l'oxygène (ROS), afin de déterminer les propriétés antioxydantes des aliments, des extraits et des molécules. Les résultats montrent une activité antioxydante dose-dépendante des composés purs (par ordre décroissant d'activité: quercétine > acide caféique > acide gallique > a-tocophérol) et des jus de fruits (en ordre décroissant d'activité: fraises > bleuets > kiwis > pêches). Ces résultats sont en accord avec les résultats obtenus avec le test ORACFL. Cependant, le dosage à base de cellules a pu détecter un effet pro-oxydant aux jus de brocolis et de carottes qui n'a pas été observé en utilisant le test ORACFL. Un mélanges d'isomères de ß,a-carotène isolé de carottes a également oxydé la DCFH à environ 212% au-dessus du niveau de contrôle. Fait intéressant, l'ébullition des jus de brocolis et de carottes inhibe cet effet pro-oxydant et restaure les propriétés antioxydantes des jus. En outre, l'ébullition du mélange d'isomères de ß,a-carotène causes sa dégradation partielle et inhibe de manière significative l'oxydation de la DCFH d'environ 68%, ce qui suggère que les caroténoïdes présents dans les jus de brocolis et de carottes pourraient être en partie responsables de leurs effets pro-oxydants.

Informations supplémentaires concernant cette publication

Cette publication réalisée par notre laboratoire a été supportée par les Fonds Québécois de la Recherche sur la Nature et les Technologies (FQRNT) et par les Fonds de la Recherche Forestière du Saguenay–Lac-Saint-Jean (FRF-02). Nous y présentons formellement une méthode d'évaluation du potentiel pro- et antioxydant sur modèle cellulaire. Nous comparons les résultats obtenus par notre méthode avec ceux obtenus par le test ORAC et élaborons brièvement sur les avantages d'une méthode cellulaire par rapport à une méthode strictement chimique.

Notre publication rapporte les résultats obtenus en utilisant des cellules de souris, plus précisément des fibroblastes (L929), mais la méthode se prête tout aussi bien à plusieurs autres types cellulaires, comme des fibroblastes humains ou même des cellules cancéreuses. Chaque lignée cellulaire ayant ses propres caractéristiques, les cellules appropriées sont choisies selon le contexte d'étude. Dans le cas de cette publication, les fibroblastes de souris ont été choisis pour leur croissance rapide.

Bien qu'il soit possible d'interchanger le modèle cellulaire utilisé, les principes de la méthode demeurent toujours les mêmes. Il s'agit d'abord d'administrer aux cellules un indicateur sensible à l'oxydation, d'ajouter ensuite l'échantillon à tester, d'appliquer un stress oxydatif et finalement d'effectuer une mesure fluorimétrique de l'indicateur.

DCFH-DA

L'indicateur sensible à l'oxydation que nous avons choisi est la dichlorofluorescin-diacétate (DCFH-DA). Cet indicateur est non fluorescent dans sa forme originale et peut librement traverser les membranes cellulaires. Une fois à l'intérieur de la cellule, des enzymes intracellulaires enlève les deux groupements acétates (-DA) de l'indicateur le rendant ainsi moins susceptible de ressortir de la cellule. Sous sa forme DCFH, l'indicateur n'est toujours pas fluorescent. Après avoir laissé les cellules absorber la DCFH-DA pour la transformer en DCFH, l'excédant de DCFH-DA non absorbé par les cellules est retiré. De cette façon, on s'assure de mesurer une oxydation intracellulaire et non une oxydation se produisant dans le milieu environnant des cellules. À cette étape, l'échantillon à tester peut être ajouté et absorbé par les cellules.

t-BuOOH

Une fois que les cellules ont été exposées suffisamment longtemps à l'échantillon testé, un stress oxydatif est appliqué aux cellules. Pour ce faire, nous utilisons le tert-butylhydroperoxyde (t-BuOOH). Ce produit réagit avec le fer libre à l'intérieur des cellules pour former des radicaux hydroxyles (HO·). Ces radicaux sont les plus réactifs de tous et mènent à la formation de toute une gamme d'autres radicaux en réagissant avec les composantes cellulaires.

Lorsque le radical hydroxyle et les autres radicaux qu'il génère réagissent avec la DCFH, celle-ci se transforme en DCF et devient fluorescente. Plus l'échantillon testé est antioxydant, plus il préviendra l'oxydation de la DCFH et moins le signal de fluorescence sera élevé. À l'inverse, si l'échantillon testé n'est pas antioxydant, la fluorescence se développera autant que dans le contrôle négatif où aucun antioxydant n'est administré.

Ainsi, en testant plusieurs concentrations d'un échantillon antioxydant, on obtient une dose-réponse et il est alors possible de calculer son IC50 (concentration nécessaire à inhiber 50% de l'oxydation induite par le t-BuOOH).

Il existe plusieurs méthodes de test de potentiel antioxydant dans la littérature scientifique. Bien que certains groupes de recherche rapporte de façon ponctuelle l'usage de méthodes cellulaires, la majorité des tests de potentiel antioxydant rapportés sont de nature strictement chimique. C'est à dire que la plupart de ces méthodes n'utilisent rien de vivant pour évaluer le potentiel antioxydant. Ces méthodes ne sont pas mauvaises pour autant, au contraire elles demeurent importantes pour la caractérisation approfondie du potentiel antioxydant, mais malgré cela, elles ne peuvent malheureusement pas suffire à elles seules pour caractériser un produit qui pourrait ultimement être utilisé chez l'humain. Les méthodes cellulaires ne peuvent pas non plus remplacer les études faites sur modèle animal ou humain, mais s'en rapproche un peu plus que les méthodologies strictement chimiques.

Même si dans l'ensemble notre méthode cellulaire corrobore la plupart des résultats de la méthode ORAC, notre test cellulaire a pu détecter avec les jus de carottes et de brocolis des potentiels pro-oxydants qui n'avaient pas été détectés par le test ORAC. Cela montre bien que le contexte cellulaire est plus complexe qu'une simple réaction chimique appliquée à un échantillon. Maintenant, n'allez pas penser que les carottes et les brocolis sont mauvais parce qu'ils affichent un potentiels pro-oxydants sur notre modèle cellulaire; ce qui se produit dans votre corps après que vous en ayez mangé est sans commune mesure avec un test cellulaire... mais aucune information n'est à négliger et il faut bien commencer quelque part. Et comme les études chez l'humain et sur modèle animal sont très coûteuses et lourdes en implications éthiques, nous aurons besoin encore longtemps des tests chimiques et cellulaires pour mieux caractériser le potentiel des centaines de nouveaux produits qui apparaissent sur le marché à chaque année.

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